Monuments from a liquid past

Juan Gugger et Constanza Piaggio présentent une partie de leur production récente dans laquelle ils effectuent des correspondances et des parallèles entre nature et langage. Les objets qu’ils proposent (sculptures et photographies) échappent à la simple présentation du naturel ou à sa pure représentation, pour se comporter comme les maillons de cette continuité brisée.

Les formations rocheuses ont probablement donné naissance à la première expérience humaine du monumental. Peut-être ont-elles facilité l’imagination d’une temporalité à l’échelle vertigineuse, complètement dissociée de la pratique quotidienne. La logique du monument nous vient des pierres et revient à elles à travers des productions culturelles comme le mémorial, la sculpture ou l’esthétique de la ruine.

Le propos des artistes porte l’idée de bifurquer de la marche du temps pour embrasser une cadence parallèle, étrangère à la reproduction sociale du travail. Cette temporalité transversale se rapproche de ce que Paul Lafargue appelle le temps de la paresse. Il ne s’agit pas d’un temps d’inactivité, mais d’un présent radical qui se détacherait du lien permanent avec l’avenir.

Le projet de Juan Gugger trouve son origine dans la recherche d’un ensemble de pierres. Appelées «Trovants», ces pierres se trouvent à Costesti, en Roumanie. Elles bougent, poussent et se reproduisent depuis six millions d’années dans un processus qui demeure encore énigmatique pour la science. Sa proposition s’immerge volontairement dans le territoire ambigu entre le vivant et l’inerte (les Trovants sont considérées comme des formes de vies non organiques). L’artiste ne conçoit pas ces objets comme des sculptures. Il les définit plutôt comme les vestiges d’un processus dans lequel les matériaux industriels tentent de revenir à leur état pré-technologique.

Constanza Piaggio présente une sélection de photographies et collages inédits, réalisés dans différents formats au cours des deux dernières années. Les images analogiques de grand format dépeignent des ensembles rocheux spectaculaires du sud de la France. Elles semblent montrer que même dans le pétrifié il n’y a pas de pause, mais des forces en mouvement. La précision et la qualité de l’image déplacent le support photographique au second plan et tentent de transcrire la complexité impénétrable de l’ «écriture» géologique.

L’artiste donne également à voir une série de photographies prises en 35 mm, où elle déploie un procédé complètement inverse. Elle concentre sa recherche sur le mouvement et la couleur. Ces pièces convoquent des liens généalogiques entre la peinture et la photographie en atteignant des degrés d’abstraction qui mettent en tension le rapport entre les supports.

L’ensemble est complété par trois photographies en petit format de la série Sharp Memories. Ces pièces établissent un mouvement intermédiaire entre la matière et l’image. Les déchirures physiques sur les images suggèrent un Memento Mori de toute représentation.