Chico Togni : Nothing like the good old oil

dans ce jour-là toutes les juntes ne se sont pas assujetties à la commande centrale. chaque membre se traînait et était suivi par celui qui lui tenait compagnie derrière lui. à une heure peu avancée pour ce type de démarche, le canter se rapprochait. Cloze marchait comme s’il était pris de la crainte d’un mal imminent. et quand il a aperçu le beau coursier noir, on ne sait pas pourquoi, il s’est rendu compte qu’il ne lui restait quasiment plus du volatile contenu. est-ce qu’il n’était pas là où il était ? il a tourné à droite au coin de la rue et son pas a encore chancelé quand il a marché sur le seuil de l’entrée. il a de suite constaté que, par comparai- son avec le dehors, l’atmosphère intérieure était ennuagée par un écran de poussière et de pénombre. la seule exception était le luisant comptoir en forme de demie-lune, sous la clarté qui venait d’une petite fenêtre basculante placée au fond et à gauche. la pièce minuscule res- semblait à quelque chose à mi-chemin entre un couloir et une salle d’attente. parmi les êtres qui l’animaient, chacun occupant la disposition qui lui était due sur les surfaces du mobilier, Cloze pouvait à peine apercevoir la caisse enregistreuse et un récipient ventru en verre qui servait d’aquarium ; là, dans cet eau salubre, il a remarqué une obscène prévalence minérale sur la faune et la flore locales. quant à la machine à enregistrer, il n’a rien pu arracher de son apathie. délaissés, l’attendaient aussi là-bas Crane et Shrink.

CRANE G o o d o’l. [Il parle derrière le comptoir.] Vous commandez ou vous êtes venu faire ami-ami avec le menu ? [Sur le même ton.] S h r i n k ! [Il frotte le comptoir avec un torchon humide. Des mouvements circu- laires et rythmés, dans le sens horaire.]

CLOZE Ça, mon grand, comme je voulais le démontrer… c’est tout de la poussière cosmique… j’en suis con- vaincu… Poudre… à P… Penser que c’est nous le problème nous ôte la tranquillité, à l’ordinaire. [Il sort une flasque en verre de sa poche.] Nous sommes là sinon, pour redresser. [Il avance jusqu’au comptoir.] Dans ce trou d’endroit, on ne peut pas vraiment attendre. Vous avez absolument raison. Il ne reste pas de temps. Il ne reste quasiment plus rien. [Il repose la flasque sur le comptoir.] Ce n’est pas que j’aie la prétention de vous convaincre… pas question.

SHRINK TIC-TIM ! [Une voix nasale et étouffée semble sortir de l’intérieur de la caisse enregistreuse et coupe la conversation.] En sentinelle. Ainsi que nous tous nous surveillons, nous sommes surveillés par tous. Sentinelle !

CLOZE [Sans comprendre ce qui venait de se passer.] Ah ! Les vieux temps… l’époque d’or… Et maintenant. Ayez l’amabilité de poursuivre avec le protocole. [Il ôte les lunettes de soleil. Il pose les lunettes sur le comptoir.] Dans ce qui me concerne, je reste muet pendant la durée de trois périodes. Je ne vous dis plus comme je le disais jusqu’à ce moment.

CRANE Il y a deux familles, vous devez connaître. [Il lève la flasque qui était sur le comptoir et passe le torchon humide au-dessous.] Ferment é s & distill é s. [Il lève les lunettes et répète le mouvement circulaire.] Mais sachez que personne ne profite d’aller au-delà de ce qu’il est capable.

CLOZE [Il ôte les lunettes de vue de la poche intérieure de son blouson. Il tient les lunettes par l’une des tiges.] Mes reins continuent à marcher comme ceux d’un nourrisson. Une merveille ! [Il commence à tourner les lunettes dans le sens anti-horaire.] Je me lève religieusement, pendant la nuit. J’urine de 3 à 4 fois par nuit. Une merveille ! Comme une horloge… je suis les choses…

SHRINK BLING-BLING ! [La voix vient maintenant de l’aquarium en verre. Elle a un son plus étouffé qu’avant.] Rien ne peut remplacer le vieux bon pétrole, par exemple. Rien ne remplace les bons vieux métiers : le plus vieux de tous, par exemple.

CLOZE [Met les lunettes de vue.] Celles-ci sont beaucoup trop menues pour cette vue qui est déjà fatiguée…

CRANE Nous ne travaillons pas a v e c l e s e x c e p t i o n s. [Il mouille le torchon dans un seau d’eau qui était caché par le comptoir.] Vous devez le savoir, il existe un empire des distill é s m a i s o n : le jus de raisin, le jus de canne de sucre, les céréales, le jus d’agave, l’anis, le jus de pomme & le jus de prune. [Il tord le torchon pour arriver à l’humidité convenable.]

CLOZE Mon temps est arrivé et l’âge… n’amène pas des réponses. [Il sort de sa poche un stylo.] Notre temps… n’arrivera jamais… [Il reprend ce qu’il disait en faisant des gestes avec le stylo en l’air.] S’il est arrivé, c’est comme ça, et l’on ne voit pas de différence. Du contraire, il arrivera quand-même. Un homme se voit sur le crâne de l’autre… Servez-moi un peu de ceci, mon grand. [Il touche légèrement la flasque de poche de la pointe du stylo. Il y reste un peu moins de deux doigts d’un liquide couleur caramel.]

SHRINK Des abstèmes ! [Encore une fois de l’aquarium, plus perçant.] De tous les types, les abstèmes ont toujo- urs existé. Par exemple, les trois types d’eunuques, comme sur les Écritures : ceux qui sont nés comme ça ; ceux qui par les hommes en ont été transformés ; et d’autres qui se sont fait eux-mêmes des eunuques à cause du royaume des cieux !

CLOZE Je n’arrive simplement pas à me souvenir de ce que je buvais il y a peu. [Il cherche quelque chose dans les poches de son pantalon. Il garde les mains dans les poches un moment, en profitant de l’occasion pour accommoder ses génitaux.]

CRANE Il reste peu de redoutes où l’on peut encore boire. On dit, aujourd’hui, des fonctions économiques de l’addiction. L’a l c o o l e t l e s j e u x d ‘ a r g e n t règlent l’activité humaine. [Il plie le tronc dans un geste automatique, comme s’il allait encore frotter le comptoir. Il coupe le mouvement à la moitié, sans le conclure. Il revient à la position initiale.] Ce que je sais c’est ça : ne pariez jamais sur un jockey qui utilise une bride ! ne pariez jamais sur un jockey plus grand que 1,67 !

CLOZE Souvenez-vous de Qui est en charge. Oh, que Son plan est grand ! Je commande la boisson ; vous servez la boisson ; nous le ferons encore pendant quelques années et puis… Travail, salaire, boisson… Encore du travail, encore du salaire… [Il fait une pause avant de reprendre. Il s’aperçoit que les interventions de Shrink obéissent à un intervalle de temps régulier.]

SHRINK [Du ventre de Crane. À basse voix.] Le viol, par exemple. [En murmurant.] On le considère comme faisant partie de l’instinct animal ? [Plus bas.] Par exemple… [D’un coup, il monte le ton de sa voix.] HIIN-IN-IN ! [Inaudible.] Elle vous dégoute, l’idée que le mâle puisse éventuellement être capable de gérer sa propre progéniture ? Dompteur !

CLOZE Aimez-vous le turf ? [Il fouille à nouveau les poches de son pantalon. Il ne trouve pas ce qu’il cherche. Dans la poche avant il trouve seulement un morceau de sucre.] Laissez-moi deviner : Farewell ou Much Better ?

CRANE Par rapport aux repas, la maison fonctionne comme ceci : nous servons seulement un plat par jour. Se vous ne mangez pas de viande, tentez votre chance à nouveau. Sachez que la franchise de la tête ne vient pas du manger ni du boire. g O o L’o D !

CLOZE Farewell, je le devinais bien… l’animal le plus fantastique que je n’aie jamais vu courir aux Amériques ! Aucune légende du sport ne peut s’y comparer. Dommage qu’à la monte il n’a pas fait des petits… c’est peut-être mieux comme ça. La déception est moindre quand… [Il prend encore une fois la flasque dans une main et se rend compte qu’elle est effectivement presque vide.] Je ne me souviens vraiment pas de ce que je buvais il y a peu. [Il lève la flasque à une hauteur au-dessus de sa tête et ferme l’oeil gauche pour observer le liquide contre la lumière qui vient de la fenêtre au fond de la pièce.] Je dois avouer que peu importe… [Il pense tout haut.] … Elle est où Anna… au bout du compte, je n’ai plus le palais d’autrefois. Donnez-moi quelque chose de costaud ! Ou… probablement ce ne serait pas bien de mélanger, au bout du compte. La boisson a des effets contraires selon la recette…

SHRINK [De retour à l’aquarium. Il éclaircit la voix, produisant un frémissement qui monte en bulles à la surface de l’eau.] Le triangle, par exemple. Il est partout. La forme, disons, du triangle équilatéral, par exemple. Sel, soufre et mercu… [La voix s’affaiblit peu à peu jusqu’au silence.] … Rorschach… M. Rorsch…

CLOZE [Il s’assoupit pendant 5 min – debout, appuyé contre le comptoir.]

RIDEAU

Chico Togni

Né le 19/01/1981 à Itajubá (Minas Gerais, Brésil) ; vit et travaille à São Paulo (Brésil).
Chico Togni a reçu son diplôme en Sculpture à la Faculté d’Arts Plastiques de l’Université de São Paulo en janvier 2005. Il a participé aux principaux salons et prix du pays, dont : Programa de Exposições et Prêmio Aquisição, du Centro Cultural São Paulo ; 14 ̊Salão de Bahia ; Prêmio Projéteis de Arte Contemporânea à la Funarte de Rio de Janeiro ; Salão de Abril à Fortaleza ; Temporada
de Projetos du Paço das Artes, entre autres. Plus récemment l’artiste a participé au programme
de recherche pour artistes de la Smithsonian Institution à Washington D.C. (États-Unis) et de l’exposition Comic Sans à Quito (Equateur). Chico Togni fait de la bière dans son atelier et a par- ticipé a la residence artistiue Red Bull Staion l’année 2013/14, à São Paulo, Brésil.

Antonio Ewbank

C’est plus ou moins ceci, tout a commencé à l’année 1983. 03/01 – Le volcan Kīlauea commence lentement à entrer en éruption. Sur l’Ile Hawaii, il continue toujours à expulser de la matière. 17/01 – Dans la tranquille ville de Franca, naît le scribouillard Ewbank. 22/01 – Björn Borg prend sa retraite après avoir gagné cinq championnats consécutifs à Wimbledon. 13/02 – Un incendie dans un cinéma de Turin (Italie) tue 64 personnes. 25/03 – Lors d’un programme télévisé spécial de Motown, Michael Jackson chante Billie Jean et présente au monde le moonwalk. 15/04 – Inau- guration de Disneyland Tokyo. 25/04 – Ayant lu la lettre écrite par l’étudiante Samantha Smith, de Manchester (Maine), dans laquelle elle exprime sa crainte d’une possible guerre nucléaire,

le leader soviétique à ce moment, Yuri Andropov, invite la jeune fille à visiter son pays. 06/05 – L’hebdomadaire Stern publie les Journaux de Hitler ; plus tard, il a été révélé qu’il s’agissait d’un faux. 09/06 – Le parti conservateur de la Grande-Bretagne, dirigé par Margaret Thatcher, est
réélu à une écrasante majorité. 21/07 – La plus basse température de la Terre est enregistrée à la Station de Vostok, en Antarctique : -89,2 °C (-128,6 °F). 22/07 – L’australien Dick Smith conclut son projet de circumnavigation en hélicoptère. 04/08 – Six hommes cheminent, sous l’eau, à partir du port de Sydney, 82,9 km en 48 heures. 23/10 – Le 26o concours Miss Monde Brésil est réalisé
au Teatro Sílvio Santos. 17/11 – L’Armée Zapatiste de Libération Nationale est fondée au Mexique. 14/12 – La Loi de Sécurité Nationale brésilienne est définie. 17/12 – Un incendie dans une boîte de nuit à Madrid (Espagne) laisse 83 morts. Le pape Jean-Paul II visite en prison l’homme qui tentait de l’assassiner, Mehmet Ali Agca, et le pardonne. Bref, une bien grosse journée !

Informaciones prácticas

Fecha: 21/11/2014 – 28/03/2015
Lugar: La Maudite

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