Fleurs fantômes. Gabriel Orozco

Catalogue consacré à l’installation éponyme réalisée par Gabriel Orozco dans les appartements princiers du Château de Chaumont-sur-Loire : une interrogation sur l’histoire et la mémoire inspirée des tapisseries anciennes ornant les murs du domaine.

A peine avait-il découvert les anciens appartements des invités du Prince et de la Princesse de Broglie, derniers propriétaires privés du Château de Chaumont-sur-Loire, que le regard de Gabriel Orozco s’est aussitôt porté sur les restes de papiers peints déchirés que nul ne voyait plus, tant ils étaient infimes. Ces impressions fanées, ces vestiges modestes, ces traces si ténues d’un passé disparu ont aussitôt frappé l’esprit de cet immense artiste, invité à « habiter le château » dans le cadre d’une commande spéciale de la Région Centre-Val de Loire. Fasciné par les restes des tapisseries anciennes qui ornaient les murs de ces pièces fermées et abandonnées depuis 1938, Gabriel Orozco s’est longuement imprégné du palimpseste des tapisseries fleuries subsistant sur ces murs anciens, qu’il a longuement photographiés, sensible à ces vibrations d’époques révolues. En ces chambres, en effet, aujourd’hui oubliées, vécurent et dormirent, parfois pour quelques heures, au début du siècle dernier, nombre de rois et reines, venus de toute l’Europe, invités en ces lieux pour des fêtes fastueuses et des chasses fameuses. C’est dans une démarche d’interrogation de l’histoire et de la mémoire du château que l’artiste, dont l’œuvre entière est marquée par la quête des traces, des restes, des empreintes des hommes, se situe à Chaumont-sur-Loire. Il a décelé dans ces fragments de tapisseries anciennes usées par les années, les signes de ces vies depuis longtemps enfuies, matrice d’une méditation subtile sur l’espace et le temps. Les œuvres qui jalonnent les « chambres des invités » du château reprennent des détails et des blessures de ces papiers anciens, dont les élégants motifs floraux sont reconstitués grâce à un procédé unique et lent de projection à jet d’huile sur toile. Le tremblé de l’impression est à l’aune du trouble qui saisit le visiteur en ces lieux, face au dialogue lié par ces œuvres et les murs imparfaits qui s’offrent au regard. L’artiste révèle ainsi ces signes et ces couleurs qui jusqu’alors échappaient à la vue, autant qu’il révèle l’émotion en suspens dans ces pièces. C’est à ce dialogue avec le mystère des lieux et cette mémoire diffuse, que nous invite Gabriel Orozco par cette poétique promenade, empruntant les chemins de ronde et les cheminements complexes des ailes ouest et sud, sur deux étages du château.

Publié à l’occasion de l’exposition éponyme au Domaine Régional de Chaumont-sur-Loire – Centre d’Arts et de Nature, du 5 avril 2014 au 31 décembre 2016.
Gabriel Orozco (né en 1962 à Jalapa, Mexique, vit et travaille à Paris, Mexico et New York) fait ses études à la Escuela Nacional de Artes Plasticas à Mexico et au Circulo de Bellas Artes à Madrid. Sa première exposition personnelle a lieu en 1983 et, dès le début des années 1990, il s’impose comme l’un des artistes majeurs de sa génération sur la scène internationale. Il a exposé dans de nombreux musées prestigieux : Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, (1995 et 1998), Musée d’Art Contemporain, Los Angeles (2000 et 2001), Serpentine Gallery, Londres (2004), Hirshhorn Museum, Washington D.C. (2004), Palacio de Cristal, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid, (2005), Museo del Palacio de Bellas Artes, Mexico (2006), Museum Ludwig, Cologne (2006). Il a participé à la Biennale de Venise, (1993, 2003 et 2005), à la Biennale du Whitney (1997), à la Documenta X (1997) et XI (2002).

Son travail a fait l’objet d’une rétrospective itinérante de 2009 à 2011 au MoMA (New York), au Centre Pompidou (Paris), au Kunstmuseum (Bâle) et à la Tate Modern (Londres). Ses expositions personnelles récentes incluent « Asterisms », Deutsche Guggenheim, Berlin et Musée Guggenheim, New York (2012), Natural Motion, Kunsthaus Bregenz, Autriche (2013), « Thinking in Circles », Fruitmarket Gallery, Edinburgh (2013).